Si Bordeaux, capitale mondiale de la vigne, m'était contée (2ème partie)
 
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Lors de mes débuts dans le Québec en 1963, il y avait un timide intérêt pour le savoir –boire. Les questions qui me furent souvent posées par les reporters étaient : «Pourquoi buvez-vous régulièrement du vin?» et «pourquoi le mot ŒNOPHILE?», je répondais : «Parce que le vin incite à la joie et un visage heureux est toujours plus agréable». «Pour le mot œnophile, il est l’héritage de mon éducation vineuse bordelaise auprès des Médecins amis des vins de France. Ce mot savoureux et savant sous le vocable de “Ordre du Mérite Œnophile” a pour but de regrouper tous les professionnels amateurs de vin n’exerçant pas la profession médicale. Le mot œnophile désigne une personne qui aime le vin et lui rend hommage. En 1968, un amateur de vin réputé, monsieur Raoul D. Gadbois frère du célèbre abbé Paule-Émile Gadbois de la «Bonne Chanson» fonde la «Commanderie des Vinophiles» En 1970 apparaît le début d’une prolifération de confréries vineuses, en 1971 «l’Ordre du Mérite Œnophile» parti de la charmante ville de Bordeaux prépare ses tournées — conférences aux quatre coins du Québec.
 

Première réaction Québécoise nous arrivions avec notre mot savant «à 20.00 $ piastres» comme nous l’avait fait remarquer le populaire Réal GIGUÉRE, lors d’une invitation à Télé-Métropole, au cours de son émission. «parle parle jase jase». Oui, j’ai traversé l’Atlantique avec en poche le merveilleux mot d’amour au service des vins du monde. Je venais du plus vaste vignoble de vins fins du monde. Dix fois plus étendu que celui de Bourgogne, le vignoble bordelais produit près de la moitié des vins fins de France, vins rouges et blancs subtils, distingués, bouquetés, à la robe lumineuse et au renom universel.

Curieusement ce voyage se situe plus dix ans après celui de l’éminent docteur Jean-Max EYLAUD. Rappelons que le 20 septembre 1954 lors de l’exposition française à Montréal en visite, sous l’égide de l’Alliance Française ; pour participer à la Fondation par le docteur Samuel LETENDRE de «l’Association des Médecins Canadiens Amis du Vin de France» le réputé sociologue et conférencier, le docteur Jean-Max EYLAUD dénonçait déjà l’alcoolisme et le vinisme. Le Québec a été la seule province à ne pas décréter la prohibition. On a préféré procéder par contrôle de la circulation des boissons, en établissant un organisme gouvernemental qui, en même temps, était responsable de la vente des vins et spiritueux, tout en prêchant la tempérance ou la modération… C’était la commission des liqueurs de Québec. Triste époque pour ces fameux ŒNOPHILES en devenir, nos amis Québécois devaient presque se cacher pour acheter une bouteille de vin.

Les clubs gastronomiques

C’est à Me Gérard DELAGE, justement nommé Prince des gastronomes du Canada, que l’on doit, au début des années 1950, l’avènement des sociétés, confréries, commanderies, amicales ou autres associations consacrées aux arts de la table. Comme le précise si bien le distingué confrère de plume Jean-Gilles JUTRAS dans sa mémorable conférence du « Rassemblement mondial des Confréries bachiques» tenue du 6 au 8 juin 2008 à Québec Hôtel Musée Premières Nations. Avec Me Gérard DELAGE nous souligne M. JUTRAS, suivirent entre autres groupements, le prestigieux Club Prosper-Montagné de Paris qui fut suivi par plusieurs autres dont l’importante Confrérie des Oyeurs, dite confrérie de la chaîne des Rôtisseurs, puis ce furent les Disciples d’Escofier, les Amitiés gastronomiques internationales, groupe fondé par Pierre Saint-Aubin.

Au début des années 1960, vinrent au Québec les confréries bachiques et regroupements dédiés au vin, disons aux Fidèles de Bacchus. Donc sous le vocable du savant mot « ŒNOPHILE » ce mot composé de deux mots grecs voulant dire : qui aime le vin, personne qui lui rend hommage. Le docteur EYLAUD ajoute : «N’est cependant pas œnophile un buveur simple de vin, moins encore un ivrogne. L’œnophile est l’amateur, le connaisseur de bon vin bu avec sagesse».Voilà l’honnête réflexion que se posèrent les éminents disciples d’Esculape, depuis la ville jumelle de Bordeaux en envoyant le Messager du vin Jean Claude DENOGENS en la belle province du Québec. Bordeaux est jumelée avec la ville de Québec depuis le 14 mai 1962.

 
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«La couronne murale compte sept créneaux représentant une ville de premier ordre, les supports sont des antilopes blanchées, enchaînées à collier fleurdelisé, aux cornes incurvées et dentelées, à la crinière légère, aux pieds fourchus, à la queue relevée sur l’échine. « de gueules ; à la grosse cloche d’argent ouverte, ajournée et maçonnée de sable et sommée d’un léopard d’or; à la mer d’azur ondoyée de sable et d’argent, chargée d’un croissant aussi d’argent ; au chef d’azur semé de France»
 

C’est ainsi que notre ordre du savoir boire, reflétant les antiques us et coutumes, fit le tour de la belle province du Québec. Ce fut un travail vigilant, mais plaisant. Notre mot un peu pompeux et docte a été bien compris. Hors des grandes villes, les Québécois sont plus accueillants. Que de chemin parcouru depuis le 1er siècle av. J.-C., époque ou les Grecs se regroupaient pour pratiquer ce que les auteurs appelaient la «PHILOÏ NIE» qui est devenue le mot moderne «ŒNOPHILIE» La Grèce l’Italie et la Gaule étaient des «ŒNOTRIA» terre du vin. D'ailleurs, les trois pays furent désignés par l’appellation «Les Vineuses».

Avec l’expansion de l’Imperium Romana, se répandirent les connaissances de la viticulture en Gaule. Ausone, poète latin né à Burdigala (Bordeaux) 310-395 après J.-C. est issu d’une famille de souche gauloise et de père médecin. Dans «Dîner de noces» il commente « Quand la faim est chassée et qu’a disparu le désir de manger, on pose de grands cratères et on verse le vin. On chante des cantiques, on danse en chœur, on dit des vers» dans ce commentaire j’y retrouve avec plaisir mon dicton favori et passe-partout de mes conférences «Le vin est à la table, ce que la fleur est au jardin». Je rappelle avec fierté que tous les auteurs grecs et latins étaient d’accord pour dire que de tout temps, le bon peuple de France a été spécialement doué pour exercer l’ŒNOPHILIE! Vous amis québécois! devenus aujourd’hui en l’An 2008, de joyeux œnophiles! vos origines de France vous favorisent pleinement pour accomplir cet art de boire.

Après tout « l’Ordre du Mérite Œnophile » et sa gazette « De Vigne en Bouche » ne viennent-ils pas d’un aristocratique terroir? Beauté de la France et beauté de la science œnophile réservent une place aux vignobles de France et particulièrement de Bordeaux. Sans être chauvin, je suis heureux que les Québécois partagent cet art de la France. Car voici du moins un sujet sur lequel il n’est pas de dispute : « Si la France n’est plus le premier producteur de vin du monde, il demeure de loin le premier pour les vins « de qualité », qu’on les dise « fins » ou « vieux » en dépit des imitations. »

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«Le 9 décembre 1939, le gouvernement se dote par décret de nouvelles armoiries reflétant l’histoire politique du Québec. Le régime français y est représenté par les fleurs de lys or sur fond bleu, le Régime britannique par un léopard or sur fond rouge et la période canadienne par un rameau de feuilles d’érable. La devise Je me souviens y occupe également une bonne place. Ces armoiries remplacent celles attribuées à la province par les autorités britanniques en 1868. Contrairement aux usages habituels, le Québec modifia ses armoiries sans consulter les autorités britanniques, un autre exemple de son statut distinct dans la Confédération canadienne».

 
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Jean-Claude Denogens
Officier du Mérite Agricole (France)
Grand Consul de la Vinée de Bergerac