Liquoreux de Bordeaux - Partie 1 |
Connaissez-vous cette liqueur d’or du Bordelais, c’est une merveille de dame nature. Elle est produite dans la belle région des AOC Sauternes-Barsac désignées «le Parthénon vineux» par Gaston Marchou, c’est cette sève d’un vin blanc bien spéciale, tout en finesse, ce velouté, cette onctuosité que nous allons découvrir ensemble, qui doit tout ou presque au Ciron, modeste affluent de la Garonne. |
Sauternes
situé à 40 km au sud de Bordeaux, ce village de 600
habitants au cœur des vignes vous enchantera par son
charme discret, Sauternes, réputé pour son vin blanc,
«le meilleur liquoreux du monde» est parsemé de
châteaux et de demeures anciennes. Le vignoble de
Sauternes et Barsac recouvre une superficie de 2000
hectares, 240 producteurs et une production moyenne
à l’année de 5 à 6 millions de bouteilles. Potentiel
de garde 20 à 100 ans, prix dans notre SAQ du Québec
en moyenne de 40,00 $ à 80,00 $, pour un Barsac et
530,00 $ pour un Château d’Yquem Sauternes premier
grand cru classé 1997. Seuls les vins produits par les communes de Sauternes, Fargues, Bommes, Preignac et Barsac ont le droit de porter le nom prestigieux de Sauternes ; mais les vignerons de Barsac peuvent déclarer leurs récoltes sous le nom de Sauternes ou Barsac indifféremment. Quand on regarde la carte vinicole de la Gironde, on remarque que toutes les appellations de liquoreux se retrouvent dans un petit terroir béni des dieux, situé de part et d’autre du Ciron à proximité de la Garonne. |
Des vendanges par tris |
Le Ciron est une rivière venue des Landes, à l’automne
elle provoque par ses eaux froides un effet thermique
en se jettent dans les eaux plus chaudes de la Garonne.
Les journées d’automne sont humides le matin, ensoleillées
et chaudes l’après-midi. Ce qui déclenche des brouillards
favorisant le développement d’un champignon appelé
botrytis cinerea, auteur du joli nom de la «pourriture
noble». le grain déshydraté et «rôti», c’est à
dire extrêmement concentré en sucre, il sera récolté
plus tard que les vins rouges, parfois même jusqu’en
novembre et même pour Noël. Ce qui donnera naissance
aux plus grands liquoreux du monde. La pourriture
noble n’apparaissant pas en même temps sur toutes
les grappes, il en résulte que les vendanges devront
se faire en tris successifs. Que l’on nomme aussi
la repasse, en ne ramassant à chaque passage que les
raisins dans l’état avancé de confit (attaque de Botrytis).
Il faut ainsi passer jusqu’à six ou sept fois dans
les vignes au cours d’une même récolte. Résultat,
les rendements à l’hectare sont extrêmement faibles,
avec un maximum autorisé de 25 hl par ha. Ne dit-on
pas en Sauternais à ce propos : «Un cep de vigne,
un verre de vin »? Le botrytis cinerea attaque à la fois l’intérieur et la peau du grain, qui va prendre une couleur de prune, brun-violet et bientôt se rider, se friper. Dans cette région, les vendangeurs doivent être de minutieux artistes. Pour l’encépagement du vignoble trois variétés de raisin concourent à l’élaboration du sauternes : Sémillon 80 %, sauvignon 15 %, muscadelle 5 %. Bien que le vignoble du plus grand liquoreux du monde, le château d’Yquem, n’ayant pas un pied de muscadelle. Le raisin sémillon est toujours majoritaire dans l’assemblage, sa peau fine prend bien la pourriture noble. Le raisin sauvignon blanc entre pour 10 à 20 % dans l’assemblage, ses arômes sont étincelants et frais, le raisin muscadelle est peut présent dans l’assemblage malgré sa petite touche aromatique aux vins. La nature des sols est graveleuse, argilocalcaire ou calcaire. Les grands vins liquoreux de cette région exigent une attaque massive du Botrytis : les raisins doivent être «rôtis». Si j’invoque un miracle dans cette région bénie, ne riez pas… S’il n’y a pas de soleil, si l’humidité, du fait de précipitations excessives, est trop importante, la pourriture devient «grise» la récolte est perdue. |
Une visite mémorable chez un Prince du liquoreux |
Je
me souviens de notre visite dans la célèbre propriété
de la famille du Marquis de Lur Saluces, c’était en
1975, un de nos pieux pèlerinages dans ce haut lieu
de Bordeaux, mon premier, effectué par l’Ordre du
Mérite Œnophile. Conduis par les dignitaires, deux
inséparables compagnons le Docteur Samuel LETENDRE,
l’abbé Bertrand POMERLEAU et moi-même trois amoureux
inconditionnels de ce nectar. La cotation du millésime
sur 20 était 17. Nous avions dégusté un petit jésus
en culotte de velours. Les grandes années de liquoreux
ne sont pas forcément celles des autres bordeaux.
Le botrytis ne se développe pas les années sèches.
«Un grand sauternes ne doit pas laisser une impression
sucrée» affirmait le célèbre Maître de chai des lieux.
C’est une composition presque impossible qui fait
de la dégustation d’un sauternes un moment de la communion.
C’est pour cette raison qu’on évoque à propos de ce
vin «l’extravagance du parfait». Il
faut aussi citer Gaston MARCHOU qui, par son art d’écrire
est animé d’un souffle poétique de qualité : |
Pour
visiter le Château d’Yquem, il faut prendre rendez-vous
3 semaines avant. Quand on a la réputation d’être
le plus grand vin liquoreux de la planète, il ne manque
pas de monde à la messe. Certains disent d’Yquem que
l’accueil est un peu snob. Peu importe, en bon œnophile
(amoureux du vin), l’essentiel est dans ce merveilleux
vin qu’il faut avoir goûté au moins une fois dans
sa vie. Au Château tout est exceptionnel. Si l’écosystème de dame nature a favorisé Yquem, les hommes qui se sont succédé à sa tête et qui appartiennent à la même famille, les Lur-Saluces, ont, par leur constante exigence, donné naissance à un vin inimitable. La gloire de Sauternes coûte cher. Même si cette unique liquoreux est élaboré sur un terroir privilégié, ces longues vendanges, un rendement limité, chaque pied de vigne ne produisent jamais plus d’un verre d’Yquem, une fermentation en fût neuf, un élevage de trois ans… l’explication du prix est là : le monde entier connaît le nom d’Yquem ! En 1975, nous avions avec l’ami poète écrivain-vigneron bordelais, Jean Max EYLAUD, qualifié l’unique nectar d’Yquem, de «Volupté» en 1979 lors de l’édition le 20 février 1979, du «Glossaire vineux du Docteur EYLAUD» illustré par Raymond Gautier CONSTANT, Préface du Professeur Georges PORTMANN nous sommes heureux de retrouver ce mot savoureux, au même titre que «YQUEM-Y» je cite : |
Volupté Toutes
les ressources du vocabulaire vinicole ne suffisent
pas pour décrire ces merveilleux vins aux belles couleurs
et aux saveurs absolument inimitables. Bachique, qualifie l’art, la littérature, la chanson, les fêtes
qui se rapportent au vin ou au culte de Bacchus. Le
vignoble bordelais, joyau d’une province plantureuse
et accueillante, n’a pas produit qu’une gamme de vins
incomparables. Il a engendré une manièrede
vivre et une morale. Exemple : “Le soleil est mon
reflet.” C’est la charmante devise de la “COMMANDERIE
DU BON TEMPS DE SAUTERNES ET BARSAC” qui fut créée
le 6 juin 1959 au Château de Malle par le Comte Pierre
de BOURNAZEL. Il s’agissait de valoriser une expression
symbolique et imagée et de donner un écho plus vivant
du Sauternais en menant des actions plus spectaculaires.
En s’appuyant sur la tradition, elle sert la cause
des vins de Sauternes et Barsac. Elle compte dans
ses rangs les plus hautes personnalités du monde entier.
Le costume se compose d’une robe en velours de couleur
vieil or avec une épitoge verte, d’une coiffe en forme
de “bon temps” ou desquet en velours de couleur vieil
or avec un fond blanc. Le bontemps nommé en gascon
desquet est cette coupelle de bois dans laquelle le
Maître de Chai bat les œufs destinés au collage et
à la clarification des vins. Ses manifestations de
prestige permettent de contribuer au rayonnement mondial
des Vins de Sauternes. |
Ballade
du Bontemps-Sauternes
Ils vont, dans leur armure d’or, les vins magiques de Sauternes, que Bacchus verse, en fructidor, dans barriques et non citernes. Les blasons de ces chevaliers toujours parés pour des croisades illustrant de nobles celliers parlant de gueules et rasades sont, toujours, brillants cavaliers. Tous les rêves sont leur trésor; Ils n’ont, pour eux, de subalternes et, quand ils prennent leur essor c’est pour franchir toutes poternes. Les combats de ces chevaliers dans le bruit des arquebusades, ou dans les duels singuliers se terminent par des rasades désaltérant les cavaliers. Toujours criant : Encor ! Encor ! Orgueilleux de leurs goûts paternes, Ils sont Nabuchodonosor pendant rebelles aux lanternes. Les pardons de ces chevaliers sont de vineuses accolades dans leurs beaux chais hospitaliers où l’on voit, unis par rasades, cavalières et cavaliers. ENVOI Princes, princesses, tout cet or aimé des dieux et des malades est un soleil de messidor déversant, du ciel, ses rasades ; il est lances et boucliers pour victoire à ces chevaliers. |
Jean-Claude
Denogens Officier du Mérite Agricole (France) Grand Consul de la Vinée de Bergerac |